Discours de Madame le Ministre de l’éducation nationale lors de l’ouverture de la troisième université d’été de l’association des oulémas musulmans algériens

Monsieur le Président de l’Association des Oulémas algériens,

 

Honorable assistance,

 

Eu égard à la noblesse de votre héritage légué par les pères fondateurs de votre association et vu l’importance de votre rôle au sein de la société algérienne, je me fais un point d’honneur de participer à vos travaux par le biais de cette lettre.

Je tiens aussi à saluer l’intérêt que vous portez aux questions relatives à l’école et notamment votre inquiétude quant au devenir de notre système scolaire. Vous avez récemment dressé un bilan peu reluisant   de l’état où se trouve  l’école algérienne. Votre constat rejoint, dans l’essentiel, celui établi par Son Excellence le Président de la République, Mr Abdelaziz Bouteflika au lendemain de sa première magistrature, en 2001.

 En effet, dans le but de redonner à l’école algérienne ses lettres de noblesse, il a initié la réforme de l’école et du système éducatif dans sa globalité. Dans sa Lettre de Mission aux membres désignés de la Commission nationale de la réforme du système éducatif, Son Excellence le Président de la République a fixé des orientations pour concrétiser le souhait de tout un peuple, à savoir construire une école algérienne de qualité. Dans sa réunion d’Avril 2003, le Conseil des Ministres a instruit le MEN d’appliquer une batterie de mesures au nombre de 42. Et la réforme a démarré effectivement en Septembre 2003.

En 2008, les deux chambres, le Parlement et le Sénat, adoptent la loi d’orientation sur l’éducation. La politique éducative de notre pays est définie dans cette loi. Le Ministère de l’éducation nationale est en charge officiellement de son application.

En  Juillet 2015, s’est tenue la  Conférence nationale d’évaluation de la mise en œuvre de cette Réforme lancée en 2003 et ce, suite à une large consultation menée au sein de la communauté éducative et universitaire. Sous le Haut – Patronage de son Excellence le Président de la République, pas moins de 1000 participants algériens (experts, universitaires, inspecteurs, enseignants, syndicalistes et parents d’élèves) ont animé des ateliers thématiques et des débats lors des plénières. Votre association était présente et a participé de manière active, avec une prise de parole assez longue dans les débats en plénière. L’écrasante majorité des recommandations ont eu pour objet essentiel les trois axes suivants : la refonte pédagogique, la bonne gouvernance et la professionnalisation des personnels du secteur par la formation.

Monsieur le Président, Honorable assistance,

Le constat qui est fait en 2016, voire en 2015 aurait dû être fait bien avant ces dates pour empêcher l’aggravation des dysfonctionnements relevés à juste titre par la Conférence nationale de Juillet 2015. Nonobstant ce décalage, le MEN est tenu par l’obligation de s’en référer aussi bien à  la Constitution de notre pays qu’à la Loi d’Orientation de Janvier 2008 afin de matérialiser les recommandations de cette Conférence nationale d’évaluation.

 

Dans ses documents officiels de conception et d’application, et selon des protocoles réglementaires précis, ayant tous un caractère public et remis aux participants aux conférences nationales, tels que les documents de référence de la CNP (référentiel général des programmes, guide méthodologique), les circulaires ministérielles, et dans ses mesures pratiques (programmes, système d’évaluation et manuels scolaires), le MEN n’a, en aucun moment, porté atteinte à l’essence des constantes nationales. Au contraire, les nouveaux programmes et manuels sont centrés, du point de vue axiologique, sur les valeurs algériennes et le patrimoine culturel national, quasi-absent dans les manuels scolaires. Sur un  plan méthodologique, l’approche s’appuie sur une démarche constructiviste, partant des réalités algériennes, visant l’unité nationale et ses référents nationales, l’espace et  son intégrité territoriale. Les méthodes doivent changer car le monde a changé et nos enfants sont captés par des technologies de communication, faisant partie de stratégies planétaires de formatage culturel, portant atteinte aux identités nationales. L’école se doit de prémunir nos enfants par une formation d’un esprit alerte et critique, une vigilance en mesure de décrypter la forme et ses esthétiques, les contenus et leurs objectifs. Et dans ce contexte, nous sommes tous en retard, en retard, parce que les technologies et les innovations vont vite, trop vite…C’est pour cela que nous sommes dans le même camp. L’avis des experts et des spécialistes, dans cette optique,  doit primer pour donner vie et dynamisme à ces constantes et ces permanences qui structurent le présent et son imaginaire.  

L’école a la mission de transmettre les valeurs qui ont posé l’Algérie comme pays, un grand pays, depuis la nuit des temps, jusqu’au 3ème millénaire. Le seul moyen d’accéder à la pérennité et d’assurer cette continuité est l’appropriation de la science et de la technologie, en somme de l’esprit scientifique, à l’image des savants, toutes disciplines confondues, de Bedjaia, Tihert, Mila, Tlemcen, Alger, Constantine, Laghouat…

C’est pourquoi, quoique légitime, votre inquiétude sur le statut scolaire de ces constantes n’a pas lieu d’être. Je peux vous rassurer que notre souci majeur réside dans l’amélioration sur un double plan : celui de la pratique pédagogique de nos enseignants, et celui des méthodes et des programmes d’enseignement, dans les nouvelles formes d’apprentissage, dans un cadre formel scolaire, mais également dans un environnement numérique et virtuel de plus en plus prégnant dont il ne faut être ni excessivement prudent, ni largement naïf.

C’est à ce niveau que se situent les changements à opérer, tels qu’ils ont été conçus et élaborés par des spécialistes algériens, loin de toute ingérence étrangère comme cela a été rapporté ici et là par certains cercles, partisans de l’immobilisme.

Tout comme vous, je suis fortement attachée à l’ancrage identitaire de notre peuple, à ses valeurs tant nationales qu’universelles. Sous la Haute autorité de Son Excellence le Président de la République et en vertu de l’obligation solennelle de respecter notre Constitution, je demeure convaincue que la langue arabe, l’éducation islamique, la langue et la culture amazighe ainsi que l’histoire plurimillénaire de notre cher pays constituent le bien le plus cher à tous les citoyens algériens. L’harmonie  qui a prévalu entre ces composantes de la personnalité algérienne, tout au long des siècles, a façonné notre algérianité ( thadzayrith), ce sentiment de fierté coulé dans le moule du patriotisme. C’est dans le but de promouvoir notre algérianité dans le cœur et l’esprit de nos enfants que le ministère de l’éducation nationale a initié, depuis 2015, une étroite collaboration avec le ministère des Affaires religieuses, le Ministère de la culture, le Ministère des moudjahidines et le Haut Commissariat à l’Amazighité. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’école algérienne, la matrice des programmes d’éducation islamique et des sciences islamiques a été soumise, pour avis scientifique sur les contenus,  au ministère des Affaires religieuses, autorité institutionnellement compétente en la matière.

Concernant la refonte de l’examen du baccalauréat, c’est au Gouvernement algérien de prendre la décision qui convient au contexte actuel. Je tiens à vous signaler que les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur sont en totale  accord sur ce dossier.  Par ailleurs, nos partenaires sociaux ont été associés à l’élaboration des six (6) hypothèses dont une a été soumise à l’appréciation du Gouvernement celle qui a vu son adoption par la majorité de nos partenaires. La matrice des matières scolaires est maintenue aussi bien dans son architecture que son évaluation dans les examens officiels, et nous rappelons que l’éducation islamique et la langue arabe sont concernés par les épreuves écrites de l’examen du baccalauréat. Seule l’organisation et le déroulement du Baccalauréat sont actuellement objet de débats.

Pour ce qui est de votre critique des établissements scolaires de statut  privé, elle est juste et pertinente.  Nous avons là aussi un retard dans le constat, et ces dysfonctionnements durent depuis plus de dix (10) ans.  A cet effet, nous avons décidé de revoir de fond en comble le cahier des charges afin de l’adapter aux exigences pédagogiques et programmatiques, de celles qui doivent dorénavant régir la gestion de l’école publique. De la sorte, seront préservées la cohésion culturelle au sein des familles algériennes et  l’équité entre tous les élèves  du pays.

Monsieur le Président, Honorable assistance,

Je salue en vous, les dignes héritiers de Abdelhamid Ibn Badis Ibn Ziri Es Sanhadji, qui en son temps avait servi de guide spirituel au  patriotisme algérien. N’a –t – il pas été le précurseur de la mixité dans les écoles libres qu’il avait créées ainsi que de l’ouverture sur les sciences et les  langues étrangères ? Par devoir de fidélité aux martyrs et par obligation suprême d’une dette envers nos enfants et nos petits –enfants, j’en appelle à  la communauté éducative dans son ensemble et aux élites  de la société les plus averties des questions scolaires pour s’associer à cet effort collectif visant à relever le défi civilisationnel d’une ECOLE ALGERIENNE DE QUALITE.  Je souhaite plein succès à vos  travaux, tout en vous réitérant  la disponibilité des cadres supérieurs que j’ai  délégués à vous donner toutes les explications souhaitées.